Cour de cassation, Chambre commerciale - KUBOTA Corporation c/ INPI
Date de la décision
30-08-2023
N° de la décision
20-15.480
Type de jurisprudence
Brevets
Pays
France
Juridiction
Cour de cassation, Chambre commerciale
Parties
KUBOTA Corporation c/ INPI
Recevabilité d’un dépôt d’une seconde demande divisionnaire devant l’INPI – délai imparti.
Le 21 mars 2018, la société japonaise Kubota a déposé une demande de brevet initiale enregistrée sous le n° 08 51869, intitulée “tondeuse à gazon comportant un collecteur d’herbe pivotant au moyen d’un vérin”.
Le 22 avril 2015, la société Kubota a déposé une première demande divisionnaire n°15 53600 avant de payer la redevance de délivrance et d’impression du fascicule du brevet initial n°08 51869, le 24 avril 2015.
Le 1er mars 2018, la société Kubota a déposé une seconde demande divisionnaire n° 18 51806.
Le paiement de la redevance de délivrance et d’impression du fascicule de la première demande divisionnaire de brevet est intervenu, quant à lui, le 7 mars 2018.
Par une décision du 27 août 2018, le Directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle (ci-après INPI) a déclaré irrecevable la seconde demande divisionnaire au motif qu’elle a été déposée après la date de paiement de la redevance de délivrance et d’impression du fascicule de la demande initiale et qu’en application de l’article R. 612-34 du Code de la propriété intellectuelle, il n’était plus possible de diviser la demande initiale à cette date.
Pour rappel, cet article dispose que « Jusqu’au paiement de la redevance de délivrance et d’impression du fascicule du brevet, le déposant peut, de sa propre initiative, procéder au dépôt de demandes divisionnaires de sa demande de brevet initiale. »
La société Kubota a formé un recours à l’encontre de cette décision.
Considérant que le terme “brevet” de l’article R.612-34 précité peut s’entendre de la première demande divisionnaire, mère de la seconde demande divisionnaire, la société Kubota faisait valoir, devant la Cour d’appel, que la seconde demande divisionnaire avait été présentée dans le délai imparti par les textes, puisque déposée avant que la redevance de délivrance et d’impression du fascicule de la première demande divisionnaire de brevet dont elle est issue ne soit payée.
Au soutien de sa démonstration, la société Kubota invoquait d’autres dispositions du Code de la propriété intellectuelle qui utilisent le terme “brevet” et qui, dans un contexte de demande divisionnaire, signifie “demande mère” ou la “demande grande-mère”. La société Kubota faisait également valoir la pratique de l’OEB.
Le Directeur de l’INPI maintenait, de son côté, que le terme “brevet” de l’article R. 612-34 désignait le brevet initial, avant toute division.
Aux termes de sa décision du 22 novembre 2019 (RG 18/27433), la Cour rejette le recours formé par la société Kubota à l’encontre de la décision du Directeur de l’INPI au motif que le terme “brevet” utilisé dans l’article R. 612-34 susvisé, « renvoie à l’expression “demande de brevet initiale” contenue dans la même phrase”, et “désigne la première demande de brevet avant toute division, qui fixe ainsi une date de dépôt applicable à toutes les demandes divisionnaires postérieures, sans laisser place à aucune autre interprétation de ce texte, nonobstant une pratique antérieure de l’INPI abandonnée au demeurant depuis 2011. »
La société Kubota a formé un pourvoi en cassation à l’encontre de la décision de la Cour d’appel.
Au regard des enjeux pratiques de cette affaire pour les Conseils en propriété industrielle, la Compagnie nationale des Conseils en propriété industrielle (ci-après CNCPI) est intervenue volontairement en cassation, mais la Cour de cassation a jugé cette intervention volontaire accessoire irrecevable, faute pour la CNCPI de justifier d’un intérêt à agir.
Aux termes de sa décision du 30 août 2023, la Cour de cassation retient « qu’il résulte de la pratique relative à l’examen des demandes divisionnaires de l’Office européen des brevets, telle qu’elle figure dans les directives relatives à l’examen pratiqué par cet office, dans leur version entrée en vigueur le 1er novembre 2018 (Partie A, Chapitre IV, 1.1.1), que, pour l’application des articles 76 de la Convention de Munich sur la délivrance des brevets européens du 5 octobre 1973 et 36 du règlement d’exécution de cette convention, l’expression “demande antérieure” fait référence à la demande la plus proche sur laquelle la demande divisionnaire est fondée, cette expression s’étant substituée à celle de “demande initiale” figurant dans l’article 76 précité, avant sa révision par un acte du 29 novembre 2000. »
La Cour retient par ailleurs, « ainsi que l’arrêt attaqué l’a relevé, jusqu’en 2011 » que « l’INPI acceptait le dépôt d’une nouvelle demande divisionnaire jusqu’à la date de paiement de la redevance de délivrance et d’impression du fascicule du brevet issu d’une première demande divisionnaire. »
Cette interprétation est conforme à « l’intérêt tant d’une interprétation convergente de textes européens et nationaux, poursuivant la même finalité de protection des innovations, que du maintien, pour la sécurité des inventeurs, d’une pratique de l’INPI, fondée sur des textes qui n’ont pas été modifiés par le législateur ».
La Cour de cassation casse en conséquence l’arrêt d’appel et renvoie les Parties devant la Cour d’appel de Paris autrement composée.
Du point de vue pratique : cette décision confirme que la date limite pour déposer une seconde demande divisionnaire à partir d’une première demande divisionnaire est la date de paiement de la redevance de délivrance et d’impression du fascicule du brevet issu de cette première demande divisionnaire.
Du point de vue juridique : cette décision rappelle que les textes européens et nationaux qui poursuivent la même finalité de protection des innovations doivent être interprétés de manière convergente.